Que se passe t’il dans la tête des femmes de plus de 45 ans ?

Que se passe t’il dans la tête des femmes de plus de 45 ans ?

Qu’on l’appelle crise de milieu de vie, de la quarantaine ou de la cinquantaine, une chose est sûre : il se trame une période intense dans la vie des femmes aux encablures des 40-50 ans. Premier bilan, quête de sens, conscience du temps qui passe, injonctions sociétales, cognition et rebond : on examine ce qu’il se passe dans la tête des femmes de plus de 45 ans !

Crise de milieu de vie : quelques chiffres

Cette réalité de la crise, bien que le mot soit connoté négativement et qu’il s’agisse, le plus souvent, d’une période de transition, se traduit à travers les statistiques. En vrac, on note qu’en France, les femmes de la tranche d’âge 45-49 ans (1) sont celles qui divorcent le plus, que les reconversions professionnelles sont nombreuses et que les psychologues remarquent un pic de début de travail thérapeutique lors de cette intervalle. Des chercheurs américains (2) soulignent aussi que les problèmes de sommeil, d’alcool et de maux de tête sont fréquents lors de cette phase du milieu de vie. Cette crise de milieu de vie est aussi corroborée par une étude (3), menée par un économiste du New Hampshire dans 132 pays et auprès de 500 000 personnes, qui a abouti à la conclusion que le bonheur suit une évolution de courbe en U au travers des années. Si l’enfance et l’adolescence correspondent à des moments heureux, la courbe commence à décroître lentement à partir de 20 ans pour atteindre son point le plus bas, celui qui correspond donc au moment où nous sommes le moins heureuse, à 47 ans… Cette période là est décrite comme un plateau niveau carrière avec peu de perspectives d’avenir, quelques regrets et un peu de pression financière (financement des études des enfants, parents à charge, etc.) Néanmoins, une fois ce passage difficile accompli, ce qui est super, c’est que la courbe ne cesse de remonter : plus on vieillit, plus on est heureux ! Qu’est-ce qui provoque donc ce breakdown à la fin de la quarantaine ?

Milieu de vie et premier bilan

On s’en doute, la période 40-50 ans s’articule autour de longues réflexions, ruminations et remises en question. Dans les deux ou trois décennies précédentes, c’est une phase où l’on a beaucoup bâti pour asseoir sa position d’adulte : famille, situation professionnelle, maison... On a cherché à trouver sa place dans la société et à se légitimer. Une fois que cela est fait, on se rend compte que pour parvenir à nos fins, on a aussi renoncé, qu’on s’est, parfois, conformé aux attentes familiales et détourné de nos rêves de jeunesse voir même de qui nous étions. C’est, en grande partie, de là que naît notre sentiment d’insatisfaction qui se manifeste par une sensation d’étouffer, l’impression d’être incomplète, une humeur maussade et des émotions instables, bref, pour résumer un état de mal-être. Une fois cette prise de conscience accomplie, on va chercher, par tous les moyens, comment se réaliser, s’accomplir, s’aligner, c’est la fameuse quête de sens. Des mots que l’on retrouve sur toutes les lèvres des quadras et quinquas. Il n’est pas forcément question d’envoyer valser toute sa vie mais chacune va aspirer à retrouver son identité, rejeter les valeurs qui lui ont été imposées et qui ne sont pas les siennes, vivre de nouvelles expériences et concrétiser ses envies. Le temps des concessions unilatérales et de l’oubli de soi est fini, on se remet au centre du jeu, on réévalue ses objectifs et on décide de prendre en main cette seconde partie de la vie qui nous attend.

La moitié de la vie

C’est un fait : quand on est dans la quarantaine, on démarre aussi la seconde moitié de sa vie si l’on se réfère à l’espérance de vie d’une femme, en France, qui est de 85,7 ans (4). On réalise qu’on a déjà vécu une première moitié de vie, avec ses hauts et ses bas, et que quoi que l’on fasse, le temps qu’il nous reste est limité. On a beau savoir depuis toujours que personne n’est immortel, cela n’en reste pas moins déstabilisant. On se retrouve bien obligé d’affronter le déni de la mort et, naturellement, cela s’accompagne, souvent, de peurs et d’angoisses. On prend conscience du vieillissement de nos parents comme du nôtre. On devient parfois aidante envers nos parents et responsable d’eux, les rôles s’inversent, c’est la roue qui tourne et la vie qui avance inlassablement. On connaît, parfois, des dysfonctionnements physiques liés à l’âge, des inquiétudes de santé qu’on n’avait pas avant ou on se découvre tout simplement des rides plus marquées, un visage relâché et un corps moins ferme. Cela joue indiscutablement sur le moral... D’autant plus que la société ne nous aide en rien avec ses injonctions répétées sans répit et ce culte voué à la jeunesse qui nous empêche d’avoir le droit de vieillir. Le vieillissement des femmes est associé à l’idée de péremption, de fin de la féminité et de la séduction voire d’incapacité, cette perte de valeur sociale entraîne une invisibilité des femmes de plus de 45 ans. Certaines sont visibles, notamment sur les réseaux sociaux, mais elles mettent souvent la barre très haut. De ce fait, au lieu d’être des rôles modèles inspirants et positifs, elles contribuent, parfois, à alimenter la peur de ne pas être à la hauteur et sont perçues comme une source de pression supplémentaire. In fine, la femme de plus de 45 ans a l’impression d’être sur la descente de sa vie, elle associe la ménopause à la fin de beaucoup de choses et croit que le champ des possibles se réduit. Difficile de rester enjoué et positive quand on pense qu’il ne nous reste que des miettes de vie... Heureusement cette construction sociale est erronée et la ménopause n’est pas synonyme, comme on aimerait nous le faire croire, de déclin et de carence.

La ménopause dans le cerveau : pas d’incidence sur la cognition

Rien de tel quand on cherche à savoir ce qui se passe dans la tête d’une femme de plus de 45 ans que de se tourner vers les neurosciences. Lisa Mosconi, neuroscientifique, qui a étudié des cerveaux pendant plus de vingt ans, démontre, lors d’une conférence TED (5), que le cerveau n’est pas genré mais qu’il vieillit différemment selon que l’on soit homme ou femme. En effet, l’œstrogène est impliqué dans le fonctionnement du cerveau de la femme : plus son taux est élevé, plus la production d’énergie du cerveau l’est aussi. Dans ces conditions, la diminution brutale du taux d’œstrogènes, au moment de la ménopause, affecte donc la marche du cerveau et entraîne le vieillissement des neurones. Concrètement, cela se traduit par les bouffées de chaleur, les insomnies, les sautes d’humeur voire des oublis car le cerveau ne régule plus correctement. Dit ainsi, cela est un peu effrayant mais la bonne nouvelle, c’est que cela n’affecte en rien les performances cognitives des femmes ! Lisa Mosconi rappelle d’ailleurs que les femmes ménopausées obtiennent les mêmes scores que les hommes du même âge. Une preuve concrète et scientifique que la ménopause n’est pas une fin en soi. C’est d’ailleurs le message essentiel d’Armelle Vautrot (6), universitaire en psychologie et thérapeute : « La quarantaine, la cinquantaine, c’est une période très positive pour apprendre quelque chose de nouveau ! On a plus de temps, on est un peu moins absorbée par notre rôle de mère et cela libère notre sphère cognitive. On a la capacité d’apprendre tout ce que l’on veut ! Le fonctionnement des neurones n’entrave rien ! Danse, piano, japonais : il s’agit juste d’être réaliste sur nos objectifs! »

Milieu de vie : le moment pour rebondir

La thérapeute poursuit : « Cette tranche de vie est très positive si on arrive à se libérer du regard des autres, il faut lutter contre ça et avoir de l’audace ! On a assez d’expérience pour dresser un premier bilan lucide et ainsi rectifier le tir pour l’autre partie de vie, on peut encore changer et entamer des choses ! On a, à la fois, de la fraîcheur et de l’expérience ! » Fanny Jacq, psychiatre, considère également cette étape de vie positivement. Elle explique dans le podcast Quarante (7) que lorsque cette période de transition est bien gérée, elle nous fait mûrir et ouvre sur de nouvelles perspectives, un peu comme la crise d’ado… Le fait d’avoir appris de nos succès comme de nos erreurs et d’avoir, en général, un capital confiance en soi un peu plus important nous permet d’atteindre à nouveau des sommets. La psychiatre insiste : il n’est jamais trop tard pour s’accomplir ou accomplir quelque chose ! Armelle Vautrot l’exprime, de son côté, ainsi : « On accepte, on identifie nos fragilités et nos forces et on fait avec. On se dit que si on ne le fait pas maintenant, on ne le fera jamais, on a un sentiment d’urgence de tenter de nouvelles expériences. On ne se dit pas que c’est trop tard, on se dit que c’est maintenant ! »

Sources :

1 - https://fr.statista.com/statistiques/579168/nombre-divorces-sexe-age-france/

2 - https://www.nber.org/system/files/working_papers/w30442/w30442.pdf

3 - https://www.nber.org/system/files/working_papers/w26641/w26641.pdf

4 - https://www.insee.fr/fr/statistiques/2416631

5 - https://www.ted.com/talks/lisa_mosconi_how_menopause_affects_the_brain

6 - https://phareformationedition.fr/

7 - https://www.slate.fr/audio/quarante/32-fanny-psychiatre-2