La science de la ménopause
La moitié des femmes de notre planète est ménopausée. Pour plus de 4 femmes sur 5, la ménopause n’a pas été un long fleuve tranquille, et pourtant, que sait-on de la ménopause ? Que ce soit dans la société où l’on ne parle que trop peu de cette période de notre vie de femmes, ou dans le corps médical plus habitué à des pathologies que l’on guérit (et la ménopause n’est en effet pas une maladie !), il y a un manque de connaissances sur le sujet.
Et pourtant, comprendre c’est le début du pouvoir !
Sommaire
Les datas de la ménopause
Retour en cours de biologie
Tout d’abord, la ménopause n’a rien à voir avec le vieillissement ! Si vous avez 35 ans et une ménopause précoce, vous n’êtes clairement pas vieille. Et à 50 ans non plus d’ailleurs ! La ménopause s’opère en parallèle de notre vieillissement, mais n’est pas générée par le vieillissement en tant que tel.
La ménopause, c’est plutôt une 2e puberté, ou une puberté à l’envers, avec une suite de changements hormonaux qui dérèglent l’équilibre de notre corps et prennent quelques années pour se stabiliser.
Retour en arrière : nous naissons avec un stock d’environ un million d’ovules dans les ovaires, stock qui va décroître naturellement à 600 000 ou 700 000 au moment où débute la puberté, puis diminuer progressivement à chaque cycle menstruel.
C’est à la puberté que notre histoire de femmes démarre vraiment, quand nos ovaires entrent en jeu, et commencent à produire œstrogènes et progestérone : ce sont ces hormones, dites stéroïdiennes, sexuelles ou de reproduction, qui permettent à notre poitrine, nos hanches et nos poils pubiens de se développer. Et ce sont elles qui, gouvernées par l'hypophyse et l'hypothalamus, provoquent nos cycles menstruels.
Puis, à partir de notre entrée dans la quarantaine, les niveaux d’œstrogènes et de progestérone commencent à fluctuer et décliner naturellement. Pendant cette période de préménopause, on a en général toujours ses règles, mais elles peuvent être plus irrégulières, avec des cycles plus courts (26 jours), des flux plus importants ou, au contraire, plus légers. Cela vient du fait que nous ne produisons plus d’œstrogènes et de progestérone au même niveau qu’avant : nos hormones de reproduction diminuent progressivement jusqu’à atteindre un niveau proche de 0 vers 55 ans.
La ménopause est un diagnostic rétroactif : ce n’est qu’après un an sans règles qu’on est déclarée ménopausée. Mais bien sûr, les signes et désagréments de la ménopause ne sont pas liés à l’arrêt des règles en tant que tel (ça, c’est plutôt libérateur…), mais à la fluctuation et la baisse des œstrogènes et de la progestérone. Et c’est donc bien dans cette période de 3 à 5 ans avant et pareil après, pendant cette phase de transformation hormonale et d’adaptation de notre corps, que l’on ressent physiquement des changements. Exactement comme à la puberté. Les ados ont les boutons, on a les bouffées de chaleur (entre autres).
Quel est le rôle des œstrogènes et de la progestérone dans notre corps, et comment ces hormones impactent-elles notre bien-être ?
Leur rôle est multiple, et donc forcément, les désagréments ou les risques aussi, dès lors qu’on en a moins, voire plus du tout :
- Les œstrogènes nous donnent de l’énergie et nous font sentir bien : rappelez-vous pendant vos cycles menstruels, vers le 14è jour, au moment du pic d’œstrogènes, c’est là que vous vous sentiez le plus en forme, que vous étiez la version wonder woman de vous-même. Du coup, quand on en a moins, on peut avoir plus de journées où l’on ne se sent pas au top du top.
- Ils jouent aussi un rôle essentiel dans la régulation thermique de notre corps, et donc une carence en œstrogènes peut conduire à des bouffées de chaleur le temps que le corps s’habitue.
- D'un point de vue gynécologique, les œstrogènes ont un rôle extrêmement important sur le confort vaginal. Ils permettent notamment d'éviter la sécheresse vaginale et de donner une bonne tonicité au vagin. Et sont aussi utiles pour prévenir l’impériosité mictionnelle, c’est-à-dire les envies d’uriner pressantes que l’on ne peut retenir.
- Les œstrogènes permettent la fixation du calcium sur les os et améliorent le confort articulaire.
- Les œstrogènes ont aussi un rôle de protection : des vaisseaux sanguins (prévention des maladies cardiovasculaires), et du cerveau grâce à leurs propriétés anti-inflammatoires et anti-oxydantes (maintient les fonctions cognitives : concentration, mémoire)
- Ils sont aussi nécessaires à la constitution et à la solidification des os, d’où les risques accrus d’ostéoporose post ménopause.
- La progestérone quant à elle, équilibre les œstrogènes. L'insuffisance en progestérone se manifeste aussi par de la fatigue, une grande irritabilité ou une nervosité inhabituelle, des troubles du sommeil, des difficultés de concentration, des troubles de la libido, des règles plus abondantes, des tensions mammaires, une sensation de jambes lourdes, de gonflement.
Peut-on prédire l’âge de notre ménopause ?
La réponse courte est : pas vraiment, même s’il y a des facteurs qui jouent sur une ménopause plus ou moins tardive. De nombreux chercheurs se sont penchés sur la question, notamment pour savoir si l’on pouvait retarder l’âge de la ménopause. Même si cette transition hormonale est tout ce qu’il y a de plus naturel, une ménopause précoce (avant 45 ans) peut entraîner une fragilisation de la santé que l’on pourrait mieux prévenir si l’on en connaissait les facteurs (risques plus élevés d’ostéoporose et de maladies cardio-vasculaires, ou de troubles cognitifs).
Les facteurs déterminants
-
Le facteur le plus déterminant semble être la génétique : l’âge de la ménopause de votre mère, grand-mère, ou sœurs aînées peut être un bon prédictif de votre âge de ménopause.
-
Les cycles menstruels courts (moins de 25 jours) : une étude de 2022 de la Menopause Society (13) a montré que les femmes ayant des cycles de moins de 25 jours pendant leurs années reproductives entraient en ménopause plus tôt, et souffraient aussi plus de symptômes dépressifs et de troubles du sommeil une fois en périménopause.
-
L’origine ethnique : une étude du SWAN (institut américain dédié à la santé de la femme) (1) a montré que les femmes de couleur avaient tendance à entrer en préménopause plus tôt que les blanches.
-
Les femmes fumeuses sont ménopausées en moyenne 1 à 2 ans plus tôt que les non fumeuses, et souffrent de symptômes plus gênants.
-
Les antécédents médicaux : les problèmes de thyroïde, le lupus, le retrait des ovaires ou les traitements de certains cancers peuvent aussi provoquer une ménopause précoce.
-
Des traumatismes dans l’enfance : toujours selon la Menopause Society (13), un passif d’abus sexuels, a un impact sur la précocité de la ménopause
-
Avoir vécu plus de grossesses n’a revanche aucun impact sur l’âge de la ménopause, selon une étude de Human Reproductive (14)
-
L’âge des premières règles non plus, même si ce n’est pas rare de l’entendre de la part des femmes.
-
Le poids : il n’a un impact que pour les extrêmes. Les femmes très maigres ou celles en surpoids important ont des chances plus fortes de ménopause précoce.
-
En revanche, une activité sexuelle plus régulière reculerait l’âge de la ménopause, d’après une étude de 2020 de la Royal Society Open science (15) !
Les dernières études
L’Inserm a publié en septembre 2023 un dossier sur la ménopause, et notamment les solutions pour mieux vivre ces dérèglements hormonaux (3).
Les recommandations de l’Inserm :
- La consommation de produits laitiers et riches en calcium pour la santé osseuse
- L’exposition suffisante au soleil (15 à 30 minutes par jour) pour produire la vitamine D
- L’exercice physique régulier pour la santé des muscles et des os, mais aussi pour réduire les risques de maladies cardiovasculaires et de cancers.
- La phytothérapie, l’acupuncture, ou l’hypnose ont également fait leurs preuves sur certaines femmes dans la réduction des désagréments de certains symptômes (bouffées de chaleur…)
- Pour la sécheresse vaginale il est recommandé d’utiliser des hydratants, lubrifiants, voire des œstrogènes par voie vaginale (à vérifier avec votre médecin).
Le vrai du faux du traitement hormonal de la ménopause (THM) (3)(6)
Ce traitement, pris par une femme sur 2 en 2000, n’est plus pris aujourd’hui que par 6% des femmes. En cause, une étude américaine de 2002 associant le traitement à un sur-risque de cancer et de maladies cardio-vasculaires.
Il a depuis été démontré que l’étude était biaisée, et qu’il fallait regarder plus globalement les bénéfices et les risques (qui semblent pencher pour les bénéfices), mais le mal est fait. Mauvaise image + retour à une envie de naturalité plutôt qu’à l’artifice d’hormones de synthèse, font que les femmes boudent le THM.
Quelques faits prouvés sur traitement hormonal de la ménopause : s’il est dans les 10 premières années de la ménopause physiologique (avant 60 ans donc), il a un impact positif sur :
- Les symptômes gênants liés au dérèglement hormonal de la ménopause (dont les bouffées de chaleur, les sautes d’humeur, les douleurs articulaires, la prise de poids, l’insomnie…) et les troubles génito-urinaires (sècheresse vaginale).
- Les risques osseux : en préservant la densité et la microarchitecture osseuse, le THM est le seul réel traitement qui permet de limiter l’évolution vers l’ostéoporose. Il réduit le risque de fractures osseuses de 30 à 40 %, même chez les femmes à faible risque.
- L’espérance de vie : il a été associé à une baisse de 30 % de la mortalité globale chez les femmes ménopausées traitées entre 50 et 60 ans, un effet avant tout lié à la baisse de la mortalité cardiovasculaire.
Le THM présente aussi des risques potentiels, modérés si l’on ne prend pas le traitement pendant plus de 10 ans :
- Risques cardiovasculaires : inexistants si les hormones sont administrées par voie cutanée et non orale.
- Cancer : les risques de cancer du sein et des ovaires sont faiblement à modérément augmentés, et cet effet serait principalement associé à des traitements maintenus plus de 10 à 15 ans. Quelques chiffres pour bien se rendre compte : un risque de cancer du sein concerne en moyenne 50 femmes de 50 à 60 ans sur 1 000, mais ce chiffre passe à 52/1 000 parmi celles traitées par un THM durant 5 ans, et à 56/1 000 lorsqu’elles sont traitées 10 ans.
- Le THM est contre-indiqué pour les femmes ayant des antécédents de cancer hormono- dépendant , d’infarctus ou d’AVC.
En résumé, le THM semble être une solution miracle aux symptômes ressentis pendant la ménopause, agit même en prévention d’un certain nombre de risques futurs (ostéoporose, maladies cardio-vasculaires), mais, comme tout traitement médical, il vient avec son lot de risques et de potentiels effets secondaires, qu’il convient donc à chacune d’évaluer avec son médecin, en fonction de son état de santé général et de ses antécédents médicaux.
La bonne nouvelle, c’est que la recherche continue pour améliorer ces traitements, les rendre plus efficaces, moins risqués. Entre les dosages et les modes d’administration, des études et des progrès sont faits. Donc consultez votre médecin et stay tuned !
Et si on ne veut pas ou ne peut pas recourir au THM ?
On dispose d’assez peu de « vraies » études cliniques et de recul sur les traitements alternatifs. Voilà ce que nous dit l’Inserm en septembre 2023 :
- Seules l’hypnose et les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) semblent être efficaces contre les bouffées de chaleur.
- L’acupuncture, la sophrologie et le yoga apportent des bénéfices à certaines femmes, notamment sur leur niveau de stress (et donc leur capacité à gérer les symptômes).
- De même, les approches naturelles utilisant les plantes (phytothérapie), notamment dans des compléments alimentaires fonctionnent chez certaines femmes et pour certains symptômes.
Par ailleurs, un nouveau traitement médical non hormonal, le fezolinetant, pourrait prochainement être disponible sur le territoire français. Il agit au niveau des neurones, en rétablissant la sensibilité normale du centre de thermorégulation. Il diminuerait donc les bouffées de chaleur. Affaire à suivre !
Sources
1. La ménopause
2. OMS (Organisme Mondial de la Santé)
3. L'Inserm
4. L'AFEM (Association française pour l'étude de la ménopause)
5. Enquête Qualiquanti pour Joïsta auprès de 1000 femmes entre 45 et 60 ans – janvier 2024
6. Senat
8. The perimenopause solution – Dr Shahzadi Harper et Emma Bardwell
11. L'Inserm
12. SWAN ( Study of Women's Health Across the Nation)
13. The Journal of The Menopause Society
14. Oxford Acamedic